(NB: This book is in French only)
Tatanka: voici qu'il nous est donné de traverser les immenses forêts qui changent de couleur, les plateaux arides, les déserts, comme des voyageurs ingénus assoiffés de paysages. Le regard devient différent et s'étonne de ces endroits presque oubliés. Le voyage d'abord, la découverte progressive, et cet espoir colporté de terres plus favorables sous des cieux plus cléments. Les grands espaces, les terres vierges, les prairies sans limite aux vents qui parlent, ces lieux désolés, ces immenses troupeaux de bisons et la révélation là-bas, toujours plus à l'ouest, de l'existence du précieux minerais.
La loupe ne se concentre pas seulement sur les grandes villes, elle cherche à développer ce que souvent le touriste n’a plus le temps de voir. New-York, Los-Angeles, San-Francisco, Boston... ne sont plus les seules places réelles de rêve même si elles appartiennent aujourd'hui à notre imaginaire collectif.
Le rêve c'est l'Ouest, là où passé et présent s'entremêlent, comme pour relire les récits et le peu de traces visibles des peuples expropriés, des territoires sauvages et des premiers colons.
C'est aussi l’Est et le quotidien, la vie d'un émigré temporaire et les questions qui se posent. Un regard toujours en alerte sur les autres comme sur soi-même dans la quête de perceptions visuelles colorées et inédites pour les reproduire et nous les transmettre. Un condensé de récits, d'expériences, de sensations, qui nous implique avec séduction et sympathie dans une autre chose.
Claude Lecomte, Rocamadour, France, 2003
Septembre 1994
Arlington, Massachusetts
J’ai mis la radio sur une des innombrables stations qui hantent la FM. Catherine, assise près des baies vitrées, est plongée dans un dictionnaire. Musique de la Nouvelle-Orléans, trompettes et saxes, on s’y croirait ! D'ailleurs, depuis qu’on est ici, on a toujours un peu l'impression d'être tombés dans un film. Tout ou presque y est : les grandes avenues, les sirènes des ambulances, des pompiers ou des flics, les maisons sans barrière avec la pelouse devant, les grosses voitures automatiques, les gosses en grosses baskets et bermudas flottants qui se promènent avec d'énormes gobelets de Coca d’un demi-litre, l'accoutrement des vieilles américaines, les gens qui courent avec le baladeur sur les oreilles, ça et le reste, c’est bien l’Amérique.
Ceci dit, on respire, on ne transpire pas, c’est tranquille et comparé au Cambodge, c’est presque comme en France, du moins si on reste dans les grandes lignes. Il y a l'eau et l'électricité sans problème, à deux pas un supermarché comme il y en a chez nous. Bien sûr, les produits ne sont pas exactement les mêmes et les yaourts sont infâmes, mais bon, il n'y a pas besoin de chercher, de demander, de se faire expliquer, les repères sont faciles à trouver.
Il n’en reste pas moins que c'est tout de même l'Amérique avec un A majuscule, celle que nous n’avions vue jusqu'à maintenant que dans des films, et c’est ça qui change : on est passé de l'autre côté de l’écran et ce n’était pas du trucage.
Entre les meubles et les affaires que les parents d’élèves nous ont donnés ou que les profs qui sont partis ont laissés derrière eux, ceux et celles achetés ou payés trois fois rien dans les « garage sales » du samedi matin, nous sommes déjà bien équipés.
Un « garage sale », c’est une sorte de brocante miniature et individuelle : les gens sortent ce qu’ils ne veulent plus devant la porte et le vendent à des prix imbattables pour faire de la place.
Les placards se remplissent de nourriture et nous ne risquons pas de mourir de faim même s'il neige à nous bloquer quinze jours. J’aimerais bien voir ce que c'est que d'avoir à creuser des tunnels pour se déplacer et ici, il paraît que ça peut arriver quelquefois.
Le week-end dernier, nous sommes allés à Boston : vingt minutes de bus, quinze minutes de métro si tout va bien. L’arrêt du bus est tout à côté de la maison et au terminus de la ligne, il suffit de descendre un couloir pour se retrouver sur les quais du métro.
Boston, ça sent la mer et les voyages. Boston, ce sont aussi de grands buildings commerciaux qui dominent des vieilles maisons minuscules en brique, beaucoup de parcs où flâner, l'océan, les voiliers, des magasins pas chers. Nous sommes montés au sommet de la Hancock Tower, une tour en verre qui a le nom d’une grande compagnie d’assurance et qui a été conçue par Pei, l’architecte de la pyramide du Louvre. Elle fait concurrence à la Prudential Tower, une autre tour un peu moins haute et moins jolie à mon goût qui appartient à une autre compagnie d’assurance. La vue d'en haut est superbe, soixante étages je crois, trente secondes ou une minute pour monter, ça aussi, c’est l’Amérique telle qu’on se l’imaginait.
Plus près de nous, il y a Cambridge et ses universités dont Harvard, la plus ancienne des USA, qui date de 1636. C'est d'ailleurs là, à Harvard Square plus précisément, qu'on prend le métro. Il paraît que c'est un coin tout à fait branché mais on ne peut pas tout visiter en même temps alors ce sera pour une autre fois.
Octobre 1994
Il est six heures, il fait nuit ici. Nous venons de rentrer d'une promenade aux environs de Boston, vingt minutes en voiture et deux heures dehors au bord d’un grand marais transformé en réserve pour animaux sauvages, des canards surtout mais aussi des hérons et autres oiseaux que nous avons plus entendus que vus ou reconnus. Les feuilles sont presque toutes tombées et c'est moins beau qu'il y a quinze jours même si, par place, il reste des arbres aux couleurs magnifiques, des rouges, des bruns, des jaunes et toute la gamme des teintes intermédiaires qui font de l’automne en Nouvelle-Angleterre un spectacle qui attire des milliers de touristes chaque année.
La Nouvelle-Angleterre, c'est le nom donné aux six états américains de la côte Nord-Est, le Maine, le New-Hampshire, le Vermont, le Massachusetts, Rhode Island et le Connecticut.
Nous avons une semaine de vacances et une voiture pour sortir. Achetée mille dollars, c’est une vieille Honda rouge de 1983 avec beaucoup de « miles » au compteur mais qui a l'air de bien rouler tout de même. Nous avons donc commencé à visiter la région, d'abord la côte qui n'a rien d'extraordinaire comparée à l’exotisme du Cambodge, elle ressemble en fait à la Bretagne avec de beaux villages et de grosses maisons perdues au milieu des arbres, puis la montagne la plus proche, une heure de route, sept cents mètres de haut, couverte d’arbres elle aussi et au sommet de laquelle à perte de vue on découvre d'autres forêts et des lacs.
Je ne sais pas si cet endroit va nous plaire, c’est beau mais tellement monotone quand on arrive d’un pays ou tout était spectacle. On verra. Il n’y a pour l’instant que Boston où nous aimons bien aller et qui nous dépayse. Il faudrait sans doute aller vers l’Ouest mais c'est trop loin. Ici ce sont les forêts, les maisons au milieu des arbres, de grosses maisons du temps où, selon nos propriétaires, les riches ne payaient pas d'impôts, les petites routes, quelques lacs, ça a du charme mais nous n’avons plus l’habitude de cette tranquillité. Il y a des églises partout, de toutes sortes. Autour de la maison, j'en ai compté déjà cinq, grecque, congrégationaliste, baptiste, paroissiale et que sais-je encore, et elles sont actives avec ça!
Novembre 1994
La vie ici est moins chère que ce qu'on imaginait. Manger, se vêtir, ça va. Ce qui est cher, ce sont le logement, les restaurants, les transports (à cause des distances car au kilomètre, c’est bon marché) et c'est sûr que pour des touristes, ça fait tout de suite beaucoup mais en vivant sur place et en ne bougeant pas trop, on y arrive à condition de savoir résister aux sirènes de la consommation qui hurlent sans arrêt.
A propos de ça, les Américains semblent fanatiques des coupons de réduction, on en reçoit sans arrêt dans la boîte aux lettres. La plupart du temps ça paraît bien compliqué à utiliser alors on les oublie !
Le mardi soir, Catherine va prendre des cours d'anglais au lycée tout proche. Le jeudi, c'est à mon tour d'y aller pour des cours d'aquarelle. La prof est une américaine de bonne taille, petite et mal habillée à mon goût mais ça a l’air de lui être tout à fait égal. Elle nous fait dessiner des fleurs, des fruits, des légumes, des compositions que je n’aurais jamais eu l’idée de faire mais comme je suis sûr d’apprendre tout de même quelque chose, ça me plaît beaucoup. Elle ne dit pas grand chose sinon que nous nous améliorons et elle nous laisse faire.
À part ça, nous allons souvent à la bibliothèque de la ville très bien fournie en livres, cassettes, vidéos, magazines, on y trouve même des tableaux qu'on peut emprunter six semaines. Tout est gratuit. Le seul ennui, c'est savoir quels auteurs choisir car la plupart des noms ne me disent rien du tout. Il y a bien des livres en français mais c'est plutôt réduit et plutôt classique, genre Rousseau, Flaubert, Sartre, Simenon.
Ce qu’il y a de sûr, c’est que notre accent nous trahit et que ça sera difficile de le faire disparaître : dès que quelqu’un de rencontre sait quelques mots en français, on a droit aux souvenirs de ses études francophones ou de la France ! Et, bizarrement, ça arrive assez souvent. Assez surprenant aussi, il y a même des papiers administratifs rédigés en français comme il y en a d’ailleurs en espagnol et en allemand.
Aux USA l'anglais est la langue officielle. Les autres langues parlées sont celles des minorités d'origine européennes ou asiatiques dont les communautés sont assez nombreuses pour avoir gardé une vie culturelle propre ou bien alors les langues indiennes, environ quarante quatre encore identifiées, ayant réussi à subsister. L'espagnol vient en tête, puis l'allemand, l'italien, le français, le polonais, le yiddish, les langues scandinaves, le tchèque et le slovaque, le grec et le hongrois, le japonais, le portugais, le néerlandais, le russe et le chinois, le lituanien, l'ukrainien et le serbo-croate. Le navajo est parlé en Arizona, au Nouveau-Mexique et dans l'Utah. Parlés également sont le cree, l'algonquin, le cherokee, le dakota et l'eskimo.
Encore un trait bizarre de ce pays : les gens bossent, bossent et bossent. Les horaires ne sont pas les mêmes qu’en France, il n’y a pas de grandes pauses à midi, pas de pause pendant la semaine, les magasins sont ouverts tous les jours. A l’école, on quitte plus tôt le soir et on a les samedis et dimanches de libre mais ça ne fait pas le même effet que d’avoir des coupures plus fréquentes et plus longues. Le stress est plus important parce que le rythme est plus soutenu. Et encore, nous n'avons pas un deuxième travail le week-end ou les soirs pour gagner plus comme en ont certains de nos collègues américains.
Il y a aussi des tas de boulots qui ont disparu en France, comme pompiste, caissier dans les parkings, dans le métro, aide-caissier dans les supermarchés pour mettre les achats dans des sacs. « Plastic or paper ? » demandent-ils toujours et au début, on a eu du mal a comprendre de quoi il s’agissait ; en fait, tu as systématiquement le choix entre des sacs en plastique ou en papier. Pour beaucoup de choses, ce n'est pas un pays moderne dans le sens où nous, nous l'entendons, un peu futuriste, automatisé. Les gens eux-même sont souvent très traditionalistes. D'un côté, tout ce qui est matériel est super perfectionné, on trouve des gadgets pour tout, qui font tout... d'un autre côté, les poubelles ne sont ramassées qu'une fois par semaine, les trottoirs ne sont pas éclairés la nuit car il n'y a pas ou presque pas de lampadaires, la signalisation sur les routes est souvent inexistante ou mal conçue, tout ce qui est public est en fait très en retard. Ça fait un ensemble surprenant par rapport à ce qu'on connaît de la modernité et de l'idée qu'on peut se faire des U.S.A. en étant à l'extérieur.
Pour connaître la suite, allez acheter le livre en format pdf
ou en format Kindle.
Tatanka: voici qu'il nous est donné de traverser les immenses forêts qui changent de couleur, les plateaux arides, les déserts, comme des voyageurs ingénus assoiffés de paysages. Le regard devient différent et s'étonne de ces endroits presque oubliés. Le voyage d'abord, la découverte progressive, et cet espoir colporté de terres plus favorables sous des cieux plus cléments. Les grands espaces, les terres vierges, les prairies sans limite aux vents qui parlent, ces lieux désolés, ces immenses troupeaux de bisons et la révélation là-bas, toujours plus à l'ouest, de l'existence du précieux minerais.
La loupe ne se concentre pas seulement sur les grandes villes, elle cherche à développer ce que souvent le touriste n’a plus le temps de voir. New-York, Los-Angeles, San-Francisco, Boston... ne sont plus les seules places réelles de rêve même si elles appartiennent aujourd'hui à notre imaginaire collectif.
Le rêve c'est l'Ouest, là où passé et présent s'entremêlent, comme pour relire les récits et le peu de traces visibles des peuples expropriés, des territoires sauvages et des premiers colons.
C'est aussi l’Est et le quotidien, la vie d'un émigré temporaire et les questions qui se posent. Un regard toujours en alerte sur les autres comme sur soi-même dans la quête de perceptions visuelles colorées et inédites pour les reproduire et nous les transmettre. Un condensé de récits, d'expériences, de sensations, qui nous implique avec séduction et sympathie dans une autre chose.
Claude Lecomte, Rocamadour, France, 2003
Septembre 1994
Arlington, Massachusetts
J’ai mis la radio sur une des innombrables stations qui hantent la FM. Catherine, assise près des baies vitrées, est plongée dans un dictionnaire. Musique de la Nouvelle-Orléans, trompettes et saxes, on s’y croirait ! D'ailleurs, depuis qu’on est ici, on a toujours un peu l'impression d'être tombés dans un film. Tout ou presque y est : les grandes avenues, les sirènes des ambulances, des pompiers ou des flics, les maisons sans barrière avec la pelouse devant, les grosses voitures automatiques, les gosses en grosses baskets et bermudas flottants qui se promènent avec d'énormes gobelets de Coca d’un demi-litre, l'accoutrement des vieilles américaines, les gens qui courent avec le baladeur sur les oreilles, ça et le reste, c’est bien l’Amérique.
Ceci dit, on respire, on ne transpire pas, c’est tranquille et comparé au Cambodge, c’est presque comme en France, du moins si on reste dans les grandes lignes. Il y a l'eau et l'électricité sans problème, à deux pas un supermarché comme il y en a chez nous. Bien sûr, les produits ne sont pas exactement les mêmes et les yaourts sont infâmes, mais bon, il n'y a pas besoin de chercher, de demander, de se faire expliquer, les repères sont faciles à trouver.
Il n’en reste pas moins que c'est tout de même l'Amérique avec un A majuscule, celle que nous n’avions vue jusqu'à maintenant que dans des films, et c’est ça qui change : on est passé de l'autre côté de l’écran et ce n’était pas du trucage.
Entre les meubles et les affaires que les parents d’élèves nous ont donnés ou que les profs qui sont partis ont laissés derrière eux, ceux et celles achetés ou payés trois fois rien dans les « garage sales » du samedi matin, nous sommes déjà bien équipés.
Un « garage sale », c’est une sorte de brocante miniature et individuelle : les gens sortent ce qu’ils ne veulent plus devant la porte et le vendent à des prix imbattables pour faire de la place.
Les placards se remplissent de nourriture et nous ne risquons pas de mourir de faim même s'il neige à nous bloquer quinze jours. J’aimerais bien voir ce que c'est que d'avoir à creuser des tunnels pour se déplacer et ici, il paraît que ça peut arriver quelquefois.
Le week-end dernier, nous sommes allés à Boston : vingt minutes de bus, quinze minutes de métro si tout va bien. L’arrêt du bus est tout à côté de la maison et au terminus de la ligne, il suffit de descendre un couloir pour se retrouver sur les quais du métro.
Boston, ça sent la mer et les voyages. Boston, ce sont aussi de grands buildings commerciaux qui dominent des vieilles maisons minuscules en brique, beaucoup de parcs où flâner, l'océan, les voiliers, des magasins pas chers. Nous sommes montés au sommet de la Hancock Tower, une tour en verre qui a le nom d’une grande compagnie d’assurance et qui a été conçue par Pei, l’architecte de la pyramide du Louvre. Elle fait concurrence à la Prudential Tower, une autre tour un peu moins haute et moins jolie à mon goût qui appartient à une autre compagnie d’assurance. La vue d'en haut est superbe, soixante étages je crois, trente secondes ou une minute pour monter, ça aussi, c’est l’Amérique telle qu’on se l’imaginait.
Plus près de nous, il y a Cambridge et ses universités dont Harvard, la plus ancienne des USA, qui date de 1636. C'est d'ailleurs là, à Harvard Square plus précisément, qu'on prend le métro. Il paraît que c'est un coin tout à fait branché mais on ne peut pas tout visiter en même temps alors ce sera pour une autre fois.
Octobre 1994
Il est six heures, il fait nuit ici. Nous venons de rentrer d'une promenade aux environs de Boston, vingt minutes en voiture et deux heures dehors au bord d’un grand marais transformé en réserve pour animaux sauvages, des canards surtout mais aussi des hérons et autres oiseaux que nous avons plus entendus que vus ou reconnus. Les feuilles sont presque toutes tombées et c'est moins beau qu'il y a quinze jours même si, par place, il reste des arbres aux couleurs magnifiques, des rouges, des bruns, des jaunes et toute la gamme des teintes intermédiaires qui font de l’automne en Nouvelle-Angleterre un spectacle qui attire des milliers de touristes chaque année.
La Nouvelle-Angleterre, c'est le nom donné aux six états américains de la côte Nord-Est, le Maine, le New-Hampshire, le Vermont, le Massachusetts, Rhode Island et le Connecticut.
Nous avons une semaine de vacances et une voiture pour sortir. Achetée mille dollars, c’est une vieille Honda rouge de 1983 avec beaucoup de « miles » au compteur mais qui a l'air de bien rouler tout de même. Nous avons donc commencé à visiter la région, d'abord la côte qui n'a rien d'extraordinaire comparée à l’exotisme du Cambodge, elle ressemble en fait à la Bretagne avec de beaux villages et de grosses maisons perdues au milieu des arbres, puis la montagne la plus proche, une heure de route, sept cents mètres de haut, couverte d’arbres elle aussi et au sommet de laquelle à perte de vue on découvre d'autres forêts et des lacs.
Je ne sais pas si cet endroit va nous plaire, c’est beau mais tellement monotone quand on arrive d’un pays ou tout était spectacle. On verra. Il n’y a pour l’instant que Boston où nous aimons bien aller et qui nous dépayse. Il faudrait sans doute aller vers l’Ouest mais c'est trop loin. Ici ce sont les forêts, les maisons au milieu des arbres, de grosses maisons du temps où, selon nos propriétaires, les riches ne payaient pas d'impôts, les petites routes, quelques lacs, ça a du charme mais nous n’avons plus l’habitude de cette tranquillité. Il y a des églises partout, de toutes sortes. Autour de la maison, j'en ai compté déjà cinq, grecque, congrégationaliste, baptiste, paroissiale et que sais-je encore, et elles sont actives avec ça!
Novembre 1994
La vie ici est moins chère que ce qu'on imaginait. Manger, se vêtir, ça va. Ce qui est cher, ce sont le logement, les restaurants, les transports (à cause des distances car au kilomètre, c’est bon marché) et c'est sûr que pour des touristes, ça fait tout de suite beaucoup mais en vivant sur place et en ne bougeant pas trop, on y arrive à condition de savoir résister aux sirènes de la consommation qui hurlent sans arrêt.
A propos de ça, les Américains semblent fanatiques des coupons de réduction, on en reçoit sans arrêt dans la boîte aux lettres. La plupart du temps ça paraît bien compliqué à utiliser alors on les oublie !
Le mardi soir, Catherine va prendre des cours d'anglais au lycée tout proche. Le jeudi, c'est à mon tour d'y aller pour des cours d'aquarelle. La prof est une américaine de bonne taille, petite et mal habillée à mon goût mais ça a l’air de lui être tout à fait égal. Elle nous fait dessiner des fleurs, des fruits, des légumes, des compositions que je n’aurais jamais eu l’idée de faire mais comme je suis sûr d’apprendre tout de même quelque chose, ça me plaît beaucoup. Elle ne dit pas grand chose sinon que nous nous améliorons et elle nous laisse faire.
À part ça, nous allons souvent à la bibliothèque de la ville très bien fournie en livres, cassettes, vidéos, magazines, on y trouve même des tableaux qu'on peut emprunter six semaines. Tout est gratuit. Le seul ennui, c'est savoir quels auteurs choisir car la plupart des noms ne me disent rien du tout. Il y a bien des livres en français mais c'est plutôt réduit et plutôt classique, genre Rousseau, Flaubert, Sartre, Simenon.
Ce qu’il y a de sûr, c’est que notre accent nous trahit et que ça sera difficile de le faire disparaître : dès que quelqu’un de rencontre sait quelques mots en français, on a droit aux souvenirs de ses études francophones ou de la France ! Et, bizarrement, ça arrive assez souvent. Assez surprenant aussi, il y a même des papiers administratifs rédigés en français comme il y en a d’ailleurs en espagnol et en allemand.
Aux USA l'anglais est la langue officielle. Les autres langues parlées sont celles des minorités d'origine européennes ou asiatiques dont les communautés sont assez nombreuses pour avoir gardé une vie culturelle propre ou bien alors les langues indiennes, environ quarante quatre encore identifiées, ayant réussi à subsister. L'espagnol vient en tête, puis l'allemand, l'italien, le français, le polonais, le yiddish, les langues scandinaves, le tchèque et le slovaque, le grec et le hongrois, le japonais, le portugais, le néerlandais, le russe et le chinois, le lituanien, l'ukrainien et le serbo-croate. Le navajo est parlé en Arizona, au Nouveau-Mexique et dans l'Utah. Parlés également sont le cree, l'algonquin, le cherokee, le dakota et l'eskimo.
Encore un trait bizarre de ce pays : les gens bossent, bossent et bossent. Les horaires ne sont pas les mêmes qu’en France, il n’y a pas de grandes pauses à midi, pas de pause pendant la semaine, les magasins sont ouverts tous les jours. A l’école, on quitte plus tôt le soir et on a les samedis et dimanches de libre mais ça ne fait pas le même effet que d’avoir des coupures plus fréquentes et plus longues. Le stress est plus important parce que le rythme est plus soutenu. Et encore, nous n'avons pas un deuxième travail le week-end ou les soirs pour gagner plus comme en ont certains de nos collègues américains.
Il y a aussi des tas de boulots qui ont disparu en France, comme pompiste, caissier dans les parkings, dans le métro, aide-caissier dans les supermarchés pour mettre les achats dans des sacs. « Plastic or paper ? » demandent-ils toujours et au début, on a eu du mal a comprendre de quoi il s’agissait ; en fait, tu as systématiquement le choix entre des sacs en plastique ou en papier. Pour beaucoup de choses, ce n'est pas un pays moderne dans le sens où nous, nous l'entendons, un peu futuriste, automatisé. Les gens eux-même sont souvent très traditionalistes. D'un côté, tout ce qui est matériel est super perfectionné, on trouve des gadgets pour tout, qui font tout... d'un autre côté, les poubelles ne sont ramassées qu'une fois par semaine, les trottoirs ne sont pas éclairés la nuit car il n'y a pas ou presque pas de lampadaires, la signalisation sur les routes est souvent inexistante ou mal conçue, tout ce qui est public est en fait très en retard. Ça fait un ensemble surprenant par rapport à ce qu'on connaît de la modernité et de l'idée qu'on peut se faire des U.S.A. en étant à l'extérieur.
Pour connaître la suite, allez acheter le livre en format pdf
ou en format Kindle.